Paul Deschanel
n°11
(1920-1920)
IIIème république
Alliance républicaine démocratique

Paul Deschanel, né le 13 février 1855 à Schaerbeek (Belgique) et mort le 28 avril 1922 à Paris (France), est un homme d'État, journaliste et écrivain français, président de la République du 18 février au 21 septembre 1920.
Il naît pendant l’exil de son père, Émile Deschanel, écrivain et opposant à Napoléon III. En 1876, après une formation universitaire en lettres et en droit, il devient collaborateur du ministre Émile de Marcère et du président du Conseil Jules Simon. Entre 1877 et 1881, il est sous-préfet dans les arrondissements de Dreux, Brest, puis Meaux. Il écrit en parallèle dans plusieurs journaux.
Aux élections législatives de 1885, à l’âge de 30 ans, il est élu député d'Eure-et-Loir au second tour de scrutin. Considéré comme l’un des plus grands orateurs de la Troisième République, il est toujours réélu avec plus de 70 % des suffrages exprimés et siège à la Chambre des députés jusqu’en 1920, pendant neuf législatures consécutives, ainsi qu’au conseil général d'Eure-et-Loir entre 1895 et 1919.
Figure des républicains modérés, partisan d'une troisième voie entre libéralisme économique et socialisme, il est élu à la surprise générale président de la Chambre en 1898, face au sortant Henri Brisson. Il perd cette fonction à la suite des élections législatives de 1902, mais prend la tête de la commission des Affaires extérieures et coloniales et porte une proposition de tribunaux pour enfants. En 1912, il retrouve la présidence de la chambre basse, qu’il conserve pendant toute la Grande Guerre, refusant de devenir président du Conseil.
Lors de la réunion préparatoire en vue de l’élection présidentielle de janvier 1920, il tient en échec le favori du scrutin, Georges Clemenceau, « père la Victoire » de la guerre ; après le retrait de celui-ci, il est élu avec le plus grand nombre de voix jamais obtenu pour ce type d’élection sous la Troisième République. Mais victime d'un état anxio-dépressif et du syndrome d'Elpénor, il fait une chute de train nocturne en mai 1920. Sept mois après son investiture, alors que sa santé ne s'améliore pas et qu’il fait l'objet de rumeurs de folie infondées, il démissionne de l’Élysée.
Sorti d’une brève période de convalescence, il est élu sénateur d’Eure-et-Loir au début de l’année 1921, puis président de la commission des Affaires étrangères du Sénat l’année suivante. Souffrant des poumons, il meurt quelques mois plus tard, à 67 ans.
Homme de lettres ayant notamment écrit de nombreux articles et ouvrages sur les questions sociales, institutionnelles, historiques et coloniales, Paul Deschanel est élu à l'Académie française en 1899 et à l’Académie des sciences morales et politiques en 1914.


Biographie
Origines familiales
Son père, Émile Deschanel (1819-1904), issu d'un milieu modeste (sa mère est célibataire), professeur de littérature et écrivain à Paris, est contraint de s'exiler en Belgique à la suite du coup d'État de 1851, du fait de son engagement républicain. Lors de l'une de ses conférences de littérature, auxquelles assistent notamment Victor Hugo, Edgar Quinet et Alexandre Dumas, il rencontre, puis épouse en 1854, Adèle Feigneaux (1827-1907), fille d'un médecin, chirurgien et accoucheur exerçant à Bruxelles et d'une mère originaire d'Anderlecht,.
De cette union naît un seul enfant, Paul Eugène Louis Deschanel, le 13 février 1855, dans une maison sise rue de Brabant, à Schaerbeek (province de Brabant, aujourd'hui Région de Bruxelles-Capitale). Edgar Quinet présente l'enfant, dont le parrain est Victor Hugo, comme « le premier-né de la proscription ». Dans ses écrits, Émile Deschanel affirme que son fils « donne à votre esprit la patience nécessaire pour attendre que le triomphe de l'iniquité ait son terme et que le droit soit rétabli ».

Enfance et formation
Paul Deschanel passe ses quatre premières années entouré de familles françaises patriotes mais appréciant leur terre d'exil. À la suite de l'amnistie promulguée par Napoléon III en 1859, la famille Deschanel s'installe à Paris, au 34, rue de Penthièvre. Enfant passionné par le dessin, la lecture et l'écriture (notamment de poèmes), Paul Deschanel voue un culte à ses parents malgré l'exigence dont fait preuve son père dans son éducation.
À partir de 1863, il étudie au collège Sainte-Barbe-des-Champs (Fontenay-aux-Roses) puis au lycée impérial Louis-le-Grand et au lycée impérial Bonaparte (devenu lycée Condorcet en 1870). Alors que ses professeurs le jugent intelligent mais indiscipliné et espiègle, il change d'attitude en classe de quatrième, en 1867-1868, et obtient dès lors d’excellents résultats. Spécialisé en rhétorique à Condorcet, il a des difficultés en mathématiques mais figure parmi les premiers en latin, français et grec ; à treize reprises, il est lauréat du concours général,.
Lors du siège de Paris de 1870, la famille Deschanel quitte la capitale pour quelques mois, marquée par une défaite qu’elle attribue à l’incompétence de Napoléon III, tout en souhaitant une poursuite des combats contre la Prusse.
Après l’armistice, Paul Deschanel reprend ses études. Il obtient le baccalauréat ès lettres en août 1871, à 16 ans, et une licence ès lettres quelques mois plus tard. En 1873, il effectue son service militaire comme engagé volontaire dans l’infanterie à Paris. Il étudie ensuite à l’École libre des sciences politiques et à la faculté de droit de Paris, obtenant un baccalauréat universitaire en droit en juillet 1874 et une licence en droit en décembre 1875.

Carrière professionnelle
Se montrant hésitant sur son avenir professionnel, il envisage de se lancer dans la littérature et la politique sur le modèle de son père. Adolescent et jeune adulte, il rédige ainsi une comédie (1872), puis deux chroniques qui sont publiées dans la presse nationale : une sur Rabelais dans la Revue bleue (1875), une autre sur Diderot et Edgar Quinet dans le Journal des débats politiques et littéraires (1877). En tant que journaliste, il rédige par la suite des articles de critique, d’histoire et de voyages pour le Journal des débats ; il écrit également dans la Revue bleue, la Nouvelle Revue, la Revue politique et parlementaire et Le Temps.
À l’issue des élections législatives de 1876, son père est élu député républicain à Courbevoie. Dans la foulée, souhaitant rendre une faveur au nouveau parlementaire, le républicain modéré Émile de Marcère, sous-secrétaire d'État à l'Intérieur du gouvernement Jules Dufaure, embauche Paul Deschanel comme secrétaire ; deux mois plus tard, Émile de Marcère devient ministre de l’Intérieur et le maintient à son poste. En décembre 1876, le jeune homme est nommé secrétaire particulier du nouveau président du Conseil, Jules Simon.
Dans un contexte d’instabilité institutionnelle, les républicains installent de nouveaux fonctionnaires dans tout le pays pour renforcer le régime en place. Le 30 décembre 1877, Émile de Marcère, redevenu ministre de l’Intérieur, nomme Paul Deschanel sous-préfet dans l'arrondissement de Dreux (Eure-et-Loir). Sa nomination fait figure d'exception pour un homme de son âge (22 ans) et ayant une formation en lettres et en droit ; à en croire son successeur Wassim Kamel, il est même « le plus jeune sous-préfet de l'histoire ». Dans ce fief conservateur, Paul Deschanel adopte une approche modérée, cherchant à convaincre ses adversaires plutôt qu’à les combattre et à les critiquer. Il gagne rapidement en popularité, ce qui lui attire l’animosité de plusieurs élus, notamment du député radical local, Ferdinand Gatineau, qui obtient d’Émile de Marcère sa mutation. Le 4 mai 1879, Paul Deschanel est ainsi nommé secrétaire général de la préfecture de Seine-et-Marne. Cette nouvelle fonction lui paraît excessivement administrative, sans visibilité et trop peu politique ; il assure cependant les fonctions du préfet, tombé malade.
Le 3 décembre 1879, il est nommé sous-préfet de l'arrondissement de Brest (Finistère). Recevant un accueil mitigé dans ce territoire de sensibilité monarchiste, il voit ses décisions régulièrement contestées et son tempérament conciliant faire l’objet de critiques. Suivant les consignes gouvernementales, il fait notamment procéder au retrait des livres en breton dans les classes où les enfants maîtrisent le français. Le Courrier du Finistère, hebdomadaire légitimiste local, l’accuse d’« empêcher l’enseignement du catéchisme dans l’arrondissement » et d’avoir ordonné « une razzia de catéchismes au Relecq », commune du département.
Après seize mois passés à Brest, Paul Deschanel devient, le 4 avril 1881, sous-préfet de l'arrondissement de Meaux (Seine-et-Marne), ce qui lui permet de se rapprocher de Paris. Souhaitant devenir député, il donne rapidement sa démission pour se présenter aux élections législatives de 1881.
Dans les années 1900-1910, il donne des cours dans des établissements d’enseignement supérieur comme l’École supérieure de journalisme de Paris, l’École des hautes études sociales ou les Hautes Études internationales et politiques. Il préside également le Collège libre des sciences sociales à partir de 1904, la Société des anciens élèves de l’École libre des sciences politiques de 1909 à 1912 ou encore l’Office national des universités et grandes écoles françaises à partir de 1910,,,.

Vie privée et familiale
Réputé grand séducteur, Paul Deschanel se marie à l’âge tardif de 46 ans. Avant cette annonce, son célibat étonnait en raison de son âge avancé et de son niveau de responsabilités politiques. Il lui était prêté une aventure avec Ève Humbert, fille de Thérèse Humbert, à l’origine d'une vaste escroquerie révélée en 1902 ; cette rumeur nuira à la carrière politique de Paul Deschanel, en particulier lors de l’élection présidentielle de 1913.
Le 13 février 1901, avec pour témoins le président Émile Loubet et le doyen de l’Académie française Ernest Legouvé, Paul Deschanel épouse Germaine Brice à la mairie du 6e arrondissement de Paris. De 21 ans plus jeune que Paul Deschanel, celle-ci est la fille du député d'Ille-et-Vilaine millionnaire René Brice et la petite-fille du poète Camille Doucet. Leur mariage religieux se tient le 16 février suivant en l’église Saint-Germain-des-Prés, en présence de plusieurs milliers de personnes.
Le couple Deschanel a trois enfants : Renée-Antoinette (1902-1977, épouse de l'ingénieur Henry Waldmann puis de l'avocat Charles Duval), Jean (1904-1963) et Louis-Paul (1909-1939). Le premier fils sera, comme son père, haut fonctionnaire puis député d'Eure-et-Loir, tandis que Louis-Paul, historien ayant notamment écrit l’ouvrage Histoire de la politique extérieure de la France (806-1936), mourra pour la France au début de la Seconde Guerre mondiale.
À l’approche de l’élection présidentielle de 1913, La Dépêche de Nice écrit : « On se remet à parler du caractère de mondanité que M. et Mme Deschanel donneraient à la présidence de la République. Ils sont riches. Ils aiment le faste. Ils feraient travailler la rue de la Paix. »